Figures de la parentalité dans la peinture occidentale et les arts visuels
Docteur Daniel ROUSSEAU, pédopsychiatre attaché

Ce travail a fait l'objet de plusieurs présentations lors de journées d'études, colloques ou conférences
(Angers 2006 et 2007, Périgueux 2007, Nice 2008)

       

    La parentalité est un mot qui n'existe pas encore dans les dictionnaires mais qui est déjà très utilisé dans des sens très divers depuis les années 1990. Ce travail aborde le thème de la "parentalité" sous les aspects psychologiques et anthropologiques du fait d’être parent et les défaillances pathologiques qui peuvent se rencontrer.  Après avoir présenté les figures mythologiques des transgressions de la parentalité, nous aborderons le champ des transformations psychiques structurantes chez les parents dans la rencontre de leur enfant. Le support des oeuvres d'art permet parfois de montrer l'indicible.

I - Première partie : Les figures de la transgression

    "Avec les interdits qui instaurent les privations, la culture a inauguré le détachement avec l'état originaire d'animalité. A notre surprise, nous avons trouvé que ces privations continuent d'être à l'œuvre, continuent de former le noyau de l'hostilité à la culture. Les souhaits pulsionnels qui en pâtissent renaissent avec chaque enfant. De tels souhaits pulsionnels sont ceux de l'inceste, du cannibalisme et du plaisir-désir de meurtre."  Sigmund Freud in "L'Avenir d'une illusion"

       Paraphrasant Freud, il est possible d'affirmer que comme chaque enfant se trouve confronté aux souhaits pulsionnels de l'inceste, du cannibalisme et du plaisir-désir de meurtre, chaque parent se trouve confronté au tabou de la dévoration, au tabou de l'infanticide et au tabou de l'inceste parent-enfant, trois tabous qui constituent les fondements de la parentalité (voir article parentalité et structures familiales ).  

    La mythologie de l'antiquité grecque et latine et l'histoire biblique ont largement inspiré les peintres classiques qui y ont trouvé une légitimité pour représenter des scènes de l'ordre de l'innommable. Ces peintures sont étonnantes par leur nombre (nous n'en proposerons ici que quelques unes parmi les plus représentatives) et par la crudité ou la violence des représentations. Qui aujourd'hui oserait ainsi peindre l'inceste ou l'infanticide ? La peinture classique sous le couvert de la mythologie profane ou religieuse s'y est autorisée et  ces crimes insoutenables couchés sur la toile suscitent finalement peu d'émotion . Notre aveuglement à ne pas y reconnaître la tragédie qui s'y joue témoigne du refoulement qui perdure dans nos sociétés quant à la maltraitance physique, psychique ou sexuelle des enfants. Curieusement, les livres de contes pour enfants mettent en scène des personnages d'ogre, à croire que le cannibalisme a totalement disparu de notre planète et qu'il est possible de l'évoquer sans dommage. Freud précisait dans "L'Avenir d'une illusion" que le cannibalisme pouvait avoir disparu, mais seulement aux yeux des non-analystes.

Bonne visite !

- Le tabou de la dévoration : Cronos
- Le tabou de la dévoration : Médée
- Le tabou de l'infanticide : Jephté ou la tradition
- Le tabou de l'infanticide : Abraham ou le renversement
- Le Sacrifice d'Abraham (Thomas Mann)
- Abraham, Le Caravage et Rembrandt
- Le sacrifice d'Abraham dans la peinture moderne
- Jocaste et Laios, parents abandonniques
- Daphnis et Chloé : Une mythologie de l'exposition des enfants dans l'antiquité
- L'enfance d'Hercule ou la théorie de la résilience
- Le tabou de l'inceste : Loth, père alcoolique, incestueux et proxénète
- Le tabou de l'inceste : Noé, figure du père alcoolique et abuseur

II - Deuxième partie : Les figures de la parentalité

    En contrepoint de la transgression de ces tabous, il est difficile de poser une définition des caractéristiques positives de la parentalité. En effet, cette réalité humaine complexe, réinventée par chaque parent avec chaque enfant, ne saurait être résumée à un catalogue d'items. C'est donc à travers quelques touches que nous essaierons d'en brosser un panorama, forcément incomplet.
   Une place à part doit être réservée pour le jugement de Salomon, récit datant de près de trente siècles et qui apparaît pourtant extrêmement moderne par ses conclusions. Ce jugement a posé une définition positive et moderne de la parentalité, en renversant l'axe du sacrifice qui ne concerne plus l'enfant mais le parent et en fondant le lien de filiation non sur la possession (la "possession d'état" légitime toujours la filiation dans le droit français) mais sur l'amour oblatif.
    Nous aborderons ensuite les principales étapes des transformations psychiques structurantes chez les parents dans la rencontre de leur enfant, en s'appuyant sur quelques grandes découvertes de la psychanalyse et de la psychologie moderne : la préoccupation maternelle primaire, les interactions précoces, l'attachement, le portage psychique et la pulsion phorique, la fonction paternelle, les questions de la filiation et de l'affiliation.
    On y tentera de revisiter les grands thèmes de la mythologie sous l'angle de la parentalité. Et l'on pourra se laisser surprendre par la contiguïté de l'affection parentale la plus tendre avec la permanence de pulsions mortifères toujours très proches.

- Le jugement de Salomon : une version moderne de la parentalité
- La préoccupation maternelle primaire
- Sainte Anne et Marie ou les poupées gigognes : une modélisation du portage psychique

- Saint-Christophe : La métamorphose du cynocéphale cannibale en porteur d'enfant

- Moïse ou la première adoption internationale : les questions de la filiation et de l'affiliation

- Les interactions précoces  :  
- les interactions vocales.
- les interactions corporelles,   
- les interactions visuelles, 
- Les phénomènes transitionnels  
- les interactions ludique et le jeu

en projet
- Anthropologie du portage (portage maternel, portage paternel, portage pathologique, trans-portage, présentation,...)

III - Annexes :

- L'énigme Poussin Vouet
- Les mystères du tableau "Sainte Anne"  de Léonard de Vinci
- L'histoire d'un thème : Sainte Anne Marie et Jesus, de Guido Reni à Léonard De Vinci