Actes de la Cinquième Journée
MÉDECINE et SANTÉ de l'ADOLESCENT

 

 

 

ADOLESCENTS DIFFICILES: entre AUTORITÉS et SOINS

 

LE MINEUR ET LA GARDE A VUE

C. REY-SALMON[1]

 

Le nombre des mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 14,92% entre 1997 et 2001, passant de 154 037 à 177 017. Ils représentent à eux seuls 21% du total des mis en cause[2]. De leur incapacité juridique[3] découle un certain nombre de règles et de recommandations.

 

LE CADRE JURIDIQUE

1 Dispositions générales

La garde à vue est une mesure permettant à un officier de police judiciaire de retenir une personne dans des locaux de police ou de gendarmerie, afin de faciliter les investigations nécessaires à une enquête. Les dispositions relatives à la garde à vue des mineurs figurent dans l’ordonnance du 2 février 1945[4]. Cette mesure ne peut concerner qu’un mineur de 13 ans révolus et peut soulever la délicate question de la détermination d’âge chronologique, autrement appelée « âge osseux » chez les mineurs isolés.

La garde à vue est prévue pour une durée de 24 heures qui peut être prolongée de 24 heures sur autorisation du procureur de la République. En cas d’infraction à la législation sur les stupéfiants, la garde à vue peut être étendue jusqu’à une durée de 4 jours au total[5]. Dans le cadre d’actes de terrorisme, la prolongation de la garde à vue à 48 heures n’est applicable qu’aux personnes majeures[6]. La présentation aux fins de prolongation de la garde à vue d’un mineur est subordonnée à sa présentation préalable devant le procureur de la République ou le juge chargé de l’instruction[7].

Lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire informe de cette mesure les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur[8]. L’information des parents n’entraîne en aucun cas un droit des parents à accompagner leur adolescent.

2 Dispositions relatives à la retenue du mineur âgé de dix à treize ans

Un mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Entre dix et treize ans, un mineur ne peut pas faire l’objet d’une mesure de garde à vue, mais d’une mesure dite « de retenue ». Cette mesure, qui ne peut excéder douze heures, s’applique lorsqu’il existe des indices graves ou concordants laissant présumer que le mineur  a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. La retenue peut être prolongée à titre exceptionnel  pour une durée maximale de douze heures[9].

 

L'EXAMEN MEDICAL DE COMPATIBILITE AVEC UNE MESURE DE GARDE A VUE

 

Pour des considérations tenant à la sécurité publique, le code de procédure pénale prévoit que le mineur de moins de 16 ans est examiné systématiquement par un médecin dès le début de la garde à vue, puis réexaminé au bout de 24 heures en cas de prolongation. Le mineur de plus de 16 ans peut, à sa demande ou à celle d’un des titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, être examiné par un médecin, puis réexaminé une seconde fois au bout de 24 heures. Dans le territoire de Polynésie française, en l’absence d’un médecin dans l’île où se déroule la garde à vue, l’examen est effectué par un infirmier diplômé ou, à défaut, par un membre du corps des auxiliaires de santé publique[10].

 

L’objectif de l’examen est d’attester que l'état de santé physique et psychique de l’adolescent est compatible ou non avec son maintien dans les locaux de police ou de gendarmerie et prévenir toute violence pendant cette période.

 

L'examen doit être pratiqué dans des conditions satisfaisantes au plan médical, assurant la confidentialité. Il appartient au médecin d’apprécier au cas par cas s’il doit prendre en charge, seul ou non, le mineur. En effet, ce dernier est souvent choqué et mutique ou au contraire revendicatif, agressif, voire violent. Un récent rapport du Conseil de l’Europe stipule que « toute consultation médicale, de même que tous les examens et soins médicaux effectués dans les établissements hospitaliers civils, se déroulent hors de l’écoute et – sauf demande contraire du personnel médical soignant, relative à un détenu particulier – hors de la vue des membres des forces de l’ordre »[11]. Il convient, à notre avis, de respecter les mêmes règles en matière de garde à vue.

 

L’entretien est le premier temps de l’examen. Il est nécessaire de recourir aux services d’un interprète pour les mineurs étrangers. Il convient de recueillir avec précision les antécédents médico-chirurgicaux de l’adolescent et de rechercher une affection de long cours. La prudence doit concerner toute pathologie rapportée par le mineur et susceptible d'une décompensation parfois brutale, principalement lorsqu’il s’agit d’un asthme, d’un diabète, d’hypertension artérielle ou d’antécédents psychiatriques avec risque possible de « passage à l’acte », de manifestations d’autoagressivité ou de simulation.

 

L’examen physique est complet. Les éventuelles lésions traumatiques sont scrupuleusement consignées sur un schéma, voire photographiées et les allégations faites par le jeune concernant leur origine sont notées. Si le jeune indique avoir été victime de violences par les forces de l’ordre lors de son interpellation, il convient d’en alerter sans délai le procureur de la République. Une atteinte intracrânienne doit être recherchée, particulièrement chez le sujet en état d’ébriété ou susceptible d’avoir subi un traumatisme crânien. L’ensemble des données de l’examen clinique fait l’objet de la prise d’une observation médicale que le médecin conserve et qui est revue en cas de nouvel examen dans le cadre d’une prolongation de la mesure.

 

Le certificat médical est remis à l'autorité requérante et à elle seule (copie en est conservée par le médecin), mentionnant l'existence ou non d'une contre-indication médicale à la mesure de garde à vue ou à sa prolongation, sans aucune précision d'ordre diagnostique.

 

En cas d'affection bénigne, un traitement ambulatoire peut être remis. Les traitements en cours des maladies chroniques doivent être poursuivis, ce qui ne manque pas de poser un problème de confidentialité vis à vis des forces de l’ordre. En cas de contre-indication à la mesure de garde à vue, l'autorité requérante peut décider la poursuite de la mesure en milieu hospitalier ; elle en assure alors la surveillance.

 

Le mineur peut refuser l’examen médical qui lui est proposé. Le médecin doit s’attacher à lui présenter les avantages de ce bilan de santé, l’assurer de sa confidentialité et tenter de le convaincre de s’y soumettre. Si le mineur persiste dans son refus, mention en est faite dans le certificat médical.



[1] Unité médico-judiciaire. Hôpital d’enfants A. Trousseau, 26 Av. du Dr A. Netter. 75012 Paris.

[2] Annexe à la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice

[3] Code civil, art. 371-1.

[4] Ordonnance  n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art. 4

[5] Code de procédure pénale, art. 706-26

[6] Code de procédure pénale, art. 706-23

[7] Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art. 4

[8] Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art. 4

[9] Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art. 4.

[10] Code de procédure pénale, art. 813

[11] Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, rapport du 19 juillet 2001